Myriam
Qu’est-ce qu’un voisin ?
C’est drôle comme question. Je ne me la suis jamais posée, et pourtant je suis du genre à m’en poser souvent.
Alors en effet : qu’est-ce qu’un voisin ?… voyons… je pourrais le définir assez simplement comme quelqu’un qui est, ou a été, proche de moi géographiquement, à un moment donné. Mais peut-être que la question mérite d’aller un peu plus loin.
Je dirais que c’est une personne que je côtoie régulièrement sans pour autant la connaître. Quelqu’un que je reconnais dans la rue et que je salue, mais sans m’attarder davantage.
Ce n’est pas un ami, mais ça peut le devenir, bien que pour moi ça n’a jamais vraiment été le cas. Je me rends compte que je n’ai pas développé de liens très forts avec d’anciens voisins. Ni de nouveaux d’ailleurs. Peut-être par peur de perdre un peu de mon intimité. L’espace très personnel qui me sert de maison, de refuge et me protège des aléas du monde extérieur doit rester privé et je n’ai pas envie de le rendre perméable « aux gens d’à côté » ou « à ceux d’en face ». Trop facile. Trop risqué aussi. C’est sans doute pour ça que je n’ai pas beaucoup d’amis, peut-être par égoïsme ou fainéantise. Parce que se faire des amis, et surtout les garder, demande de l’engagement, du temps, de l’énergie, et qu’il me semble en avoir de moins en moins. Alors je les réserve à quelques uns seulement.
Mais revenons à nos voisins.
Il y a le voisin bricoleur. Celui que rien n’arrête jamais. Qui passe toute sa terrasse au Karcher un dimanche midi parce qu’il fait un temps magnifique et qu’il n’a pas pu le faire avant à cause de la pluie. Peu importe que vous, vous ayez prévu d’inviter les trois amis qu’il vous reste, à manger dans votre jardin. Et il y met du cœur le bougre, comme quand il décide de passer les 1000 m2 de son jardin au rotofil parce que sa tondeuse est en panne et qu’il faut bien couper l’herbe avant qu’elle ne soit trop haute. Il a tous les engins électriques dernier cri, bruyants à souhait, qu’il emploie avec enthousiasme, et toujours le dimanche bien sûr, parce que le reste du temps il travaille. Faut comprendre aussi.
Il y a le voisin festif, celui que tout le monde redoute. Il est en général jeune, plein d’énergie et de copains prêts à le suivre dans toutes ses idées saugrenues, parce que ça fait du bien de rigoler. Et c’est vrai. Sauf que vous, vous ne riez plus du tout quand ce charmant personnage se montre capable de faire la fête tous les soirs jusqu’au bout de la nuit, pendant toute une semaine, là, juste à côté de vous. C’est à ce moment-là précis que vous regrettez de ne pas avoir renforcé l’isolation des murs. Avec un peu de chance il vous prévient la veille par le biais d’un petit mot glissé dans la boîte aux lettres, histoire d’avoir bonne conscience. Parfois même, il va jusqu’à vous inviter, en sachant très bien que vous ne viendrez pas, ça ne coûte rien de se montrer civilisé. Alors on se dit qu’il faut bien que jeunesse se passe et que tout ça ne durera qu’un temps, mais le moins longtemps possible de préférence.
Il y a le voisin perfide, voire vicieux, avec ses petits yeux scrutateurs toujours à l’affût de vos moindres faits et gestes. Bien caché derrière ses rideaux, il guette. Quoi ? Tout ! Rien ne lui échappe, il sait tout sur tout le monde et se réjouit de le raconter à qui veut bien l’entendre, que ce soit vrai ou faux d’ailleurs, peu importe. Il arrive à l’improviste, toujours au pire moment, à croire qu’il a des dons de voyance. Il sait exactement quand vous allez sortir la poubelle dans votre vieux jogging affublé d’un tee-shirt tout défraichi, aux formes aléatoires, que vous auriez dû jeter depuis des années c’est sûr, mais que vous garder quand même, parce qu’il est trop doux. Bizarrement, il est encore là quand un livreur frappe à votre porte alors que vous sortez à peine du lit et que le rapide passage de vos doigts dans vos cheveux hirsutes et vos yeux gonflés ne trompent personne. Il passe devant chez vous, comme par hasard, juste au moment où un ancien ami, perdu de vu depuis longtemps, sonne à votre porte, un bouquet de fleurs à la main. Et l’air désapprobateur qu’il vous lance lorsque vous ouvrez en dit long sur ce qu’il pense de vous. Si seulement il était aussi simple de lui faire comprendre ce que vous pensez de lui.
Et puis il y a « la mamie d’en face », une voisine dont l’âge avancé vous paraît être une garantie de la tranquillité du quartier. Elle était là bien avant vous et vous assure qu’elle reste ici uniquement parce qu’on ne sait pas où la mettre ailleurs, rien de rassurant. Elle est parfois bourrue, souvent triste, et vous rappelle que le temps passe inexorablement mais si vous gagnez sa confiance elle ne dit du mal que des autres, du moins, c’est ce qu’elle vous laisse croire. Elle vous appelle « la petite jeune d’en face » et vous demande tout un tas de services que vous faites évidemment sans rechigner, on ne peut rien refuser à une dame de son âge, et puis c’est facile quand il n’y a qu’à traverser la rue. Elle vous donne un petit bouquet de fleurs en échange, parfois une bouteille de vin, lorsque la tâche est plus ardue, et vous rentrez chez vous avec la satisfaction d’avoir agit comme il faut, même si ça reste douloureux de la voir vieillir là, seule, jusqu’à ce qu’un jour elle disparaisse du quartier et qu’un joli panneau soit accroché sur son portail avec marqué : « à vendre ». Une vie de quartier ordinaire.
Il y a enfin le voisin idéal. Discret, silencieux, mais une âme charitable, prêt à vous aider en cas de besoin. Une présence sur laquelle on peut compter et qui rassure. Une façon d’être là sans vraiment l’être. Quelqu’un avec qui l’on peut passer la soirée, sans engager plus que nécessaire, simplement pour partager un bon moment avant d’être happer à nouveau par le rythme infernal du quotidien. Il est rare et précieux. Alors quand on en a un, on le garde jalousement pour soi et l’on prit pour qu’il ne lui prenne jamais l’envie d’aller voir ailleurs.
C’est tout cela à la fois, les voisins, et c’est ce qui fait le charme d’une vie de quartier, comme un mini village qui se réduirait à 2 ou 3 maisons tout autour de la vôtre. Après, ce ne sont plus des voisins mais les gens qui habitent près de chez vous et dont on entend quelquefois parlé, mais de loin, sans se sentir vraiment concerné.
Qu’est-ce qu’un artiste ?
Il me semble qu’un artiste est quelqu’un qui voit le monde d’une façon différente de la plupart des gens et surtout qui est capable de le faire savoir d’une manière ou d’une autre. Je crois que chacun, à sa façon, a cette âme d’artiste cachée au fond de lui, le tout est d’oser l’exposer au regard des autres. Un artiste est une personne qui réussit à me faire rêver ou réfléchir sur l’existence, il y en a donc forcément parmi mes voisins.